Le gouvernement reste publiquement déterminé à éviter l'utilisation du 49.3 qui enverrait un message dévastateur. Mais en réalité, l'incertitude plane pour faire le plein des voix à l'Assemblée nationale. De quoi pousser l'exécutif à dégainer très probablement cette cartouche institutionnelle. Officiellement, pas de soucis. Le gouvernement n'a cessé ces derniers jours de réaffirmer sa volonté de se passer du 49.3 pour faire voter sa réforme des retraites qui devrait revenir jeudi à l'Assemblée nationale. Cependant, le gouvernement est très loin d'avoir les voix nécessaires pour être certain de son adoption, ce qui rend ce scénario très probable. Parisien, confirmé par BFMTV. "Nous avons une majorité solide", a jugé Emmanuel Macron ce lundi après-midi lors la traditionnelle réunion des cadres de la majorité, à laquelle il n'a pas l'habitude participer, selon des informations confirmées par BFM TV. Entre espoir et banalisation Même élan d'optimisme pour Gabriel Attal, le vice-ministre du Budget, qui a avancé sur France inter "ne pas voir pourquoi il faudrait utiliser le 49.3". Olivier Véran a préféré banaliser le recours à cette disposition constitutionnelle qui permet d'adopter un texte, sans passer par le vote des députés. Cet "outil" a "été utilisé, réutilisé et énormément utilisé sous certains mandats", a jugé le porte-parole du gouvernement sur LCI. Pourtant, la situation politique à l'Assemblée nationale suffit à donner quelques sueurs au gouvernement. L'exécutif a besoin de 287 voix pour faire passer la réforme – et non 289, puisque deux sièges de députés sont vacants. Des récalcitrants au sein de la majorité Sur le papier, s'il fait le plein dans sa majorité et parmi les LR, il obtient 314 voix, très largement suffisant donc. Mais le compte n'y est pas encore. Seuls 178 élus la majorité sur un total 249 se disent certains voter pour le texte, selon le compteur BFMTV. Dans le détail, ce sont 132 députés de la Renaissance sur 169 qui ont annoncé soutenir le texte. L'ancienne ministre d'Emmanuel Macron a déjà annoncé qu'elle ne souhaitait pas voter la réforme "à ce stade", comme l'ont fait plusieurs députés membres de son mouvement En commun. "Je ne doute pas que tous les députés voteront ce texte", assure cependant sur BFMTV Jean-René Cazeneuve, l'un des poids lourds de la majorité à l'Assemblée nationale. Mais pas question de prendre des risques. La direction du groupe à l'Assemblée a déjà prévenu que tout élu qui voterait contre ou s'abstiendrait serait exclu. Chez Modem et Horizons, la situation n'est guère meilleure pour le gouvernement. Seuls 27 députés de François Bayrou sur 51 ont clairement dit vouloir voter pour. Même constat chez les lieutenants d'Édouard Philippe avec 19 adjoints sur 29. Un groupe LR très divisé Chez Les Républicains, que l'exécutif voyait "comme une force auxiliaire" en début de mandature, la situation n'est guère meilleure. Le groupe, emmené par Olivier Marleix qui soutient pourtant la réforme, est tout aussi divisé. Seuls 15 députés sur 61 affichent clairement leur volonté de voter oui. "Personne ne comprendrait que les LR qui ont défendu la retraite à 65 ans pendant la campagne présidentielle ne votent pas pour elle. C'est vraiment incompréhensible", regrette le député LR Alexandre Vincendet. Quant aux députés LIOT qui comptent de nombreux centristes et anciens macronistes, la majorité d'entre eux devrait voter contre le texte. Autant dire que le gouvernement, qui n'entend pas reculer malgré la pression des syndicats, n'a d'autre choix que de tirer la cartouche du 49.3. "Un échec" pour Borne Preuve qu'il y a urgence et que la sérénité n'y est pas Elisabeth Borne a convoqué, contre vents et marées, les ministres en première ligne sur ce dossier dimanche soir. Une première depuis l'arrivée du sexagénaire à Matignon en mai dernier. C'est que la Première ministre joue très gros et veut encore croire qu'elle peut convaincre des députés au-delà de son propre camp. "Ce serait un échec pour elle de ne pas aller au vote après des semaines de négociations. Mais elle ne prendra pas de risques inutiles. Imaginez qu'on aille au vote et que ça ne passe pas... On serait morts", décrypte un cadre majoritaire. "Si on y va, ce sera parce qu'on est sûr d'avoir assez de soutien. Sinon, on appuie forcément sur le 49.3", avance encore ce député. "Remettez une pièce dans la machine à protester" Si le gouvernement veut éviter à tout prix cette arme constitutionnelle, c'est qu'elle aurait un effet dévastateur. Après un examen sans vote à l'Assemblée nationale à la mi-février, la réforme n'a pour l'instant comme légitimité parlementaire que celle du Sénat, qui n'est pas élu au suffrage universel. Pour arriver au bout du texte à chambre haute, l'exécutif a également dû dresser la carte institutionnelle sur base du vote bloqué. Couplée des syndicats debout contre la retraite à 64 ans, massivement opposés aux Français, et une septième journée de mobilisation samedi, la réforme est loin de convaincre. "On va clairement remettre un morceau dans la machine contestataire et il va être difficile d'y répondre", regrette un élu de la Renaissance. L'espoir du comité mixte Elisabeth Borne espère cependant toujours rejoindre LR. Le téléphone s'est enflammé ces derniers jours entre Olivier Marleix et le Premier ministre. Le patron la droite à l'Assemblée est convaincu de pouvoir convaincre les récalcitrants son propre camp avec un outil la commission paritaire paritaire. Cette instance qui réunit sénateurs et députés pour aboutir à une version commune pourrait faire basculer la droite si certaines exigences essentielles pour elle étaient retenues. Parmi celles-ci, on retrouve la clause de révision en 2027 pour voir si les mesures ont permis des économies voire le maintien de la prime aux mères votée au Sénat. Elisabeth Borne reçoit ce soir une partie des membres du CMP avec l'espoir de leur faire passer le message. Croisez les doigts. Gotopnews.com